Le rôle d’Eugène Belgrand dans la modernisation des égouts de Paris :


Eugène Belgrand - statut visible au musée des égouts de Paris



L’alimentation en eau de la ville de Paris entre donc dans une phase décisive lorsqu’en 1854 le Baron Hausmann confie à Eugène Belgrand (statue ci-dessus)la responsabilité du service des eaux.

Il convient quand même de rappeler que la construction du réseau d’égout, durant le XIX eme siècle, ne représente pas une opération isolée, mais s’inscrit dans le cadre d’une restructuration plus globale de l’espace urbain : C’est la ville tout entière qui subit des transformations profondes et pas seulement les égouts.

Les égouts ne sont seulement qu’une partie de ce vaste plan et c’est dans cette optique que le Baron Hausmann et son ingénieur Eugène Belgrand ont conçu le réseau d’égout.

La représentation que se fait la bourgeoisie de ce que devait être sa ville est aussi très importante :



C’est un lieu ou l’on se donne en regard, où l’on parait. Ainsi l’image de la belle ville atteint son apogée sous le second Empire, lorsque l’on veut faire de Paris "la vrai Rome du temps présent ". D’où, le rejet dans le sous-sol de tous ce qui pouvait être désagréable à la vue.

C’est dans cette perspective que s’inscrit le réseau des égouts, en grande partie élaborée par Belgrand.

C’est le Baron Hausmann, qui au début de son administration élabore le plan général d’assainissement que Eugène Belgrand appliquera en y ajoutant de son génie conceptuel.

Ainsi, Eugène Belgrand aura pour objectif de donner aux galeries construites sous les voies publiques les dimensions convenables afin qu’elles puissent :

1e) Assurer l’évacuation immédiate des eaux pluviales, le trop plein des fontaines et bassins, et des eaux industrielles et surtout ménagères.

2e) Recevoir des conduites de la distribution des eaux du service public et du service privé sans que le passage des eaux soit obstrué et que la circulation ou le travail des ouvriers en soit affecté.

3e) Permettre l’application du système de nettoyage des galeries par des wagons-vannes ou même par des bateaux afin d’évacuer les immondices.

4e) Drainer la nappe d’eau qui règne sous le sol Parisien qui dans le cas de grandes crues de la Seine, cause l’inondation de certaines caves.


Toutes ces mesures ont bien évidemment un objectif essentiel : assurer la salubrité et l’hygiène de Paris, d’une part pour son image en tant que ville prestigieuse et d’autre part afin de limiter les épidémies.

Car avant la prise de fonction du Baron Hausmann (le 28 juin 1853) de terribles épidémies avaient déjà frappé la capitale :

En 1348, la peste avait déjà, faute d’hygiène convenable, fait beaucoup de morts.

Puis en 1832 c’est le choléra qui s’abat sur Paris. Sorti du delta du Gange, il rejoint Londres, au fond d’une cale et arrive ensuite à Paris.

Chose très révélatrice, et qui montre l’importance de l’assainissement dans une grande ville comme Paris, l’épidémie se répartie selon une logique implacable :

C’est essentiellement le Paris médiéval qui est touché. Le choléra évite soigneusement les beaux quartiers. Il se complaît dans les ruelles salles du centre et dans les faubourgs comme ceux de Saint-Marcel ou de l’Oursine.

L’absence d’assainissement est la grande cause de l’extension et de la violence de l’épidémie car la maladie est rejetée dans les vomissures et les diarrhées.

Les eaux usées deviennent un vecteur de propagation très important.

Ainsi dans les quartiers pauvres ou l’alimentation se fait par des puits et ou les déchets sont rejetés dans la rue, les habitants se contaminent eux-mêmes.

Mais le choléra de 1832 va avoir sur l’assainissement de la capitale un effet bénéfique.

Lorsque Eugène Belgrand prit ses fonctions pour moderniser l’assainissement de Paris, il est parfaitement conscient que le développement de l’épidémie a été servi par le manque d’hygiène.

C’est ainsi que les grandes épidémies firent avancer l’assainissement de la capitale.

La peste de 1348 avait eu pour conséquence le voûtement des égouts ;

Celle de 1530 réglementa le nettoyage des rues et imposa dans chaque maison la construction d’une fosse à retrait.

L’épidémie de choléra de 1832 et la croissance démographique rendront nécessaire des travaux de grandes ampleurs.

Eugène Belgrand aura la tache de construire un réseau inspiré de la Cloaca maxima de la Rome antique et de mettre en œuvre le grand programme que le conseil municipal à adopté le 22 janvier 1855.

Les premières mesures prisent par Belgrand concernent le diamètre des égouts. Car il doit toujours subsister une couche d’air à l’intérieur du tuyau. L’eau circule dans ces galeries comme elle circulerait dans un canal.

Un égout ne doit jamais être totalement plein. Si tel était le cas, la pression le ferait éclater.

Pour éviter cet accident, Belgrand impose que les égouts aient une section mouillée de 3,50 mètres pour 100 hectares desservies.

C’est ainsi que le collecteur d’Asnières fut doté d’une hauteur de 4,40 mètres et d’une largeur de 5,60 mètres, ravissant le record du Monde au cloaqua maxima.

C’est lui qui dirige en personne la construction de ce collecteur, pièce maîtresse du réseau.(ci-dessous schéma d’un collecteur)


Cette entreprise est une véritable prouesse technologique pour l’époque.

Sur la rive droite existe déjà le grand égout de la rue de Rivoli dont la conception est moderne.

Parallèlement à ce premier des collecteurs secondaires, le projet en prévoit un second afin d’assainir le secteur du Faubourg Saint-Antoine.

Un troisième collecteur doit desservir la zone nord des halles par les rues Coquillière, puis rejoindre le grand collecteur place de la Madeleine. A l’aval de la place de la Concorde, deux petits collecteurs secondaires ramènent vers elle les eaux des hauteurs de Chaillot. Sous le boulevard Sébastopol, un grand égout sert de sécurité aux différentes galeries en permettant une amenée rapide en Seine des eaux d’orage.

L’assainissement de la rive gauche est complété par un collecteur secondaire contournant la butte de Saint-Germain-des Prés par le sud prenant la rue de Sèvres, l’avenue de la Motte-Picquet, puis les rues de Grenelle et de Bourgogne.

Ce système général draine toutes les eaux des égouts vers l’extérieur de Paris débarrassant ainsi la Seine intra-muros des pollutions produites par la ville.

Seules les eaux de pluies qui risquent d’entraîner une saturation des collecteurs sont rejetées dans la capitale grâce à l’égout de Sébastopol et à des déversoirs d’orage, sortes de trop pleins répartis le long des collecteurs qui suivent les quais.

Pour la première fois dans l’histoire de Paris, l’assainissement entre dans le programme des grands travaux.

La ville souterraine de Belgrand suit, en profondeur, les travaux d’urbanisme du Baron Haussmann à l’air libre.

Il met au point un système d’évacuation des eaux usées inédit qui permet leur évacuation lointaine en aval de la Seine.

Plusieurs usines de pompage permettent d’amener les eaux usées des bas quartiers dans le réseau principal qui descend en suivant la gravité du sol.

Belgrand fait prévaloir une conception totalement nouvelle qui consiste à rejeter les eaux usées loin en aval de la ville. Grâce à Belgrand, chaque rue est dotée d’un égout.

Comme on a pu le voir, Belgrand conçoit des ouvrages de grandes dimensions qui permettent d’accueillir des canalisations d’eau potable. En outre les hommes peuvent y circuler et y travailler.

Le réseau crée par Belgrand recueille les eaux pluviales et les eaux usées. Il est qualifié "d’unitaire " et gravitaire.

Ce vaste dispositif est complété en 1894 par une loi qui impose-le tout à l’égout et supprime ainsi les fosses d’aisance sous les immeubles.

Le tout à l’égout consiste à mettre en communication les fosses d’aisances (les eaux usées) et les égouts qui recueillent les eaux de pluies.

Belgrand développa également la technologie de curage des égouts encore utilisé de nos jours.

Il mit en place un système global articulé autour des outils suivants :


Dans le domaine de l’alimentation en eau potable le programme de Belgrand s’achève en 1925 avec la dérivation de la Voulzie.

Belgrand développa sur 600 Km le plus grand réseau d’égouts du Monde.


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